« La democratie n'as pas encore pris corps dans notre societe »

14/01/2003
Edmond Kamguia K
Douala, Cameroun

Christopher Fomunyoh, universitaire et egalement directeur pour l’Afrique du National Democratic Institute livre a chaud ses analyses sur les questions brulantes de l’actualite nationale et internationale. "Les irregularites que nous avions relevees se repetant me laisse un arriere gout d’inacheve, parce qu’il y a des opportunites qui se pressentent que mon pays, pourtant richement pourvu en ressources naturelles et humaines, n’arrive pas a saisir. Je ressens une certaine amertume en tant que Camerounais."

Edmond Kamguia K: Cela fait longtemps que l’on ne vous avait plus vu au Cameroun qu’est ce qui vous amene donc?

Christopher Fomunyoh : Je suis de passage au Cameroun pour deux raisons : d’abord parce que j’ai ete invite par le Centre Culturel americain et l’ambassade des Etats-Unis pour donner une serie de conferences a Douala et a Yaounde. Ensuite, je suis l’hote de l’association des femmes Sawa de Bonendale qui, depuis trois ans s’organisent pour favoriser la participation de la femme dans les domaines du developpement social de la culture, de la politique. Cette annee, ces femmes ont saute sur l’occasion pour faire de moi l’invite d’honneur d’une fete qui a eu lieu le 7 decembre.

En quoi a consiste votre participation?

Tout d’abord je suis honore qu’une association de femmes ait decide de m’honorer dans le cadre de mon travail pour la promotion de la democratie, et de mes prises de position en faveur de la participation des femmes. C’est ce qui m’a encourage a partir de Washington pour le Cameroun pour venir partager avec elles mes idees sur le role que peut jouer la femme dans la politique et pour le developpement de l’Afrique. Mais je suis egalement la pour les ecouter et recueillir leurs conseils sur la meilleure maniere pour moi d’etre utile a l’Afrique et a mon pays le Cameroun.

Dix ans apres l’election presidentielle de 1992 qui avait ete observee par le Ndi, quel bilan faites-vous du processus de democratisation au Cameroun?

Effectivement depuis 1992, le Ndi ne s’est plus implique dans l’observation des elections et du processus democratique au Cameroun. Donc je ne pourrais pas faire un bilan substantiel de la democratisation au Cameroun du fait de cette absence. Mais etant Camerounais et suivant de tres pres l’evolution du processus democratique dans notre pays, j’ai quand meme un point de vue qui me permet de constater que dans certains domaines il y a eu quelques progres, mais dans d’autres secteurs nous avons encore beaucoup a faire pour que la democratie ait droit de cite chez nous. Je ressens une certaine volonte de faire evoluer les choses au sein de la jeune generation, ce qui me fait croire que la democratisation n'a pas encore pris corps dans notre societe.

Les Camerounais se souviennent surtout du rapport du Ndi de 1992 et beaucoup pensent que les faits vous ont donne raison, partagez-vous cet avis?

Je le partage mais de maniere mitigee, parce que, d’un cote, comme expert du Ndi, cela me fait honneur de constater que dix ans apres, la plupart des Camerounais nous donnent raison. Les irregularites que nous avions relevees se repetant et d’autres organisations ayant fait le meme constat. Mais, en tant que Camerounais, cela me laisse un arriere gout d’inacheve, parce qu’il y a des opportunites qui se pressentent que mon pays, pourtant richement pourvu en ressources naturelles et humaines, n’arrive pas a saisir. Je ressens une certaine amertume en tant que Camerounais.

Il y a eu plusieurs elections depuis 1992 et l’on se serait attendu, a defaut d’une reaction du Ndi, a ce que vous reagissiez personnellement sur l’evolution de la democratie au Cameroun?

Il m’est arrive d’intervenir dans la presse privee nationale et meme, quelque fois, dans la presse publique, pour donner mon opinion. Dans l’avenir, je ferais toujours connaitre au public ma position sur certains aspects de la politique camerounaise. J’estime que les Camerounais de ma generation devraient tout faire pour apporter leur contribution au debat et ceux qui ont eu la chance de voyage a l’etranger et de voir fonctionner la democratie dans d’autres pays ont une experience qu’ils doivent partager avec leurs compatriotes pour faire avancer la democratie chez nous. Souvenons-nous de ce que les Africains qui etaient hors du continent a la veille des independances ont pu jouer un role capital dans le processus de la decolonisation de l’Afrique. Il n’y a pas de raisons que trente ou quarante ans apres, les Camerounais et les Africains de la diaspora ne puissent Il n’y a pas de raisons que trente ou quarante ans apres, les Camerounais et les Africains de la diaspora ne puissent pas peser de tout leur poids pour ameliorer les conditions de vie de leurs compatriotes restes au pays. Aussi j'appelle tous nos compatriotes de la diaspora a se mettre ensemble pour que nous puissions apporter notre contribution a la democratisation de notre pays.

Edmond Kamguia K: Est-ce que le Ndi va observer l’election presidentielle d’octobre 2004?

Christopher Fomunyoh: Nous sommes a deux ans de l’evenement.Il est encore tres tot pour se prononcer. Notre mission consiste a soutenir la democratie en travaillant avec les democrates et le moment venu, si les democrates camerounais de tout bord nous invitent, et selon nos dispositions financieres, nous pourrons apporter notre contribution.

Certains observateurs estiment que l’Afrique de l’Ouest evolue beaucoup plus rapidement sur les chemins de la democratie par rapport a l’Afrique centrale. Qu’est –ce qui explique cette situation? Est-il possible d’y remedier?

Je crois que ces observateurs ont raison au regard du nombre des alternances democratiques qui se sont produites dans cette partie de l’Afrique, des demissions volontaires des chefs d’Etat ou du changement au moyen des urnes. Autant l’Afrique australe et l’Afrique de l’ouest, presentent des exemples palpables d’evolution autant l’Afrique centrale est en arriere par rapport a ces sous- regions du continent. C’est assez dommage et difficile a expliquer mais toujours est-il que l’on aurait souhaite que l’alternance se fasse par la voie des urnes, parce que l’inquietude que j’ai et que partagent nombre d’Africains et de Camerounais est que les gens soient amenes a penser que l’alternance par les urnes n’est pas possible en Afrique centrale. Cela pourrait pousser certaines personnes a recourir a d’autres moyens pour acceder au pouvoir politique.

Quelles seraient donc les perspectives dans nos pays, ou les possibilites d’alternances par les urnes semblent presque vaines?

Je sais que les nouvelles constitutions adoptees a la faveur du vent de democratie des annees 1990 ont prevu dans certains cas une limitation de mandats presidentiels. C'est le cas en Republique Centrafricaine et notre espoir est que les presidents en place respectent les textes de loi, parce que meme s’ils ne perdent pas les elections au terme de la duree prevues ils ne pourront se representer a la prochaine echeance. En 2003, par exemple Eyadema ne devra pas se faire relire. Ainsi, on pourra avoir un changement meme si c’est le meme parti qui gagne les elections. Le drame pour l’Afrique provient du fait que certains presidents en exercice ont pris l’habitude de manipuler la constitution pour satisfaire leurs interets personnels, au lieu de mettre en place des constitutions viables, susceptibles de soutenir le processus sur un long terme.

Alors qu’est ce que le Ndi fait ou envisage de faire pour encourager les electeurs decourages par tant de hold up electoraux a ne pas abandonner leur droit de vote?

Dans mes conversations avec les acteurs politiques et les membres de la societe civile, j’ai pu constater cette deception de la part des personnes qui se sont engages dans le but de voir se derouler au Cameroun un scrutin libre et independant. A la longue, on se rend compte que cet engagement n’a pas porte ses fruits et je comprends et partage cette deception. Mais je suis encourage par les lecons de l’Histoire qui donnent toujours raison a ceux qui se battent pour une cause juste, a l’exemple de l’Afrique du Sud. Qui aurait cru qu’un jour l’Apartheid prendrait fin? On a fini par avoir un changement en Union Sovietique. En Chine, on assiste aujourd’hui a la naissance d’une nouvelle generation. Si on regarde le monde on se rend compte que meme les plus severes dictatures n’ont pas perdure et je demeure convaincu que le Cameroun va trouver son chemin; tant que les democrates se battront pour une democratie fonctionnant pour le bien etre des populations. Je reste donc optimiste quelles que soient les difficultes ponctuelles que l’on rencontre en ce moment.

10-La Centrafrique et la Cote d’Ivoire sont aujourd’hui des pays en proie a des conflits, n’y voyez-vous pas les consequences d’une democratisation ratee?

Je crois qu’il s’agit de transitions democratiques qui ont ete tres mal gerees. Certains pourraient etre surpris de ce qui se passe aujourd’hui en cote d’ivoire, moi je ne le suis pas. Parce que, en 1993 deja, lors de la succession d’Houphouet Boigny, des problemes politiques s’etaient poses sans connaitre de solution. En 1993, le Ndi avait publie un rapport pour dire que le president Bedie derapait. J’ai eu l’occasion personnellement, en 1999, une semaine avant le coup d’etat de lui signaler les inquietudes que nous avions relativement a sa gestion du pays et sur le fait que les acteurs politiques etaient prives de leurs droits, ce qui risquait de causer un prejudice au pays. On a egalement vu les ravages de l’ivoirite durant son sejour au pouvoir. Donc, tout ce qui se passe actuellement ne prouve pas l’echec de la democratie mais plutot la mauvaise gestion du processus democratique. En ce qui concerne la RCA on peut dire que c’est dommage parce qu’il s’agit d’une population gerable au regard du nombre ainsi que du point de vue de la cohesion des communautes parce que c’est un pays ou toutes les populations parlent une langue : le Sangho. On aurait pu esperer que la Centrafrique allait s’epanouir sans tomber dans des mutineries a repetition. C’est un pays qui a meme connu de bonnes elections et l’on se serait attendu a ce que le president Patasse fort de cette legitimite, puisse mieux gerer les differends entre autorites civiles et militaires. Mais, malheureusement, l’absence d’une vision politique et de dialogue a contribue a creer les problemes que les Centrafricains connaissent aujourd’hui.

Que pensez-vous de l’implication de la France dans ces deux conflits?

Tout d’abord, pour ce qui est de la Cote d’Ivoire, je pense que la France est dans une position difficile. Parce que je ne vois pas comment elle reussira a s’en sortir sans etre condamnee par l’une des parties en conflit. A moins que la crise ivoirienne ne soit resolue assez rapidement par la voie politique ou diplomatique. Dans le cas contraire, si les rebelles continuent a foncer sur Abidjan, tout le monde dira que la France a joue le role de complice. Et l’autre cote si le gouvernement ecrase les rebelles, l’on dira que la France l’a aide a mater la rebellion. J’ai eu a partager cette opinion avec des amis francais.Pour ce qui est de la Rca, l’on peut penser que la position de la France y est moins mauvaise que certaines personnes pensent, meme si l’on sait que le president Patasse n’a pas toujours entretenu de bonnes relations avec la France. Mais je ne pense pas que la France soit a l’origine des problemes au depart, peut etre que dans ses relations avec le gouvernement centrafricain certaines actions auraient pu faire croire que la France soutiendrait les opposants au pouvoir de Patasse, meme de maniere tacite. Mais il ne s'agit pas, a mon avis, d'un element crucial dans le reglement du probleme centrafricain. Je sais que les nouvelles constitutions adoptees a la faveur du vent de democratie des annees 1990 ont prevu dans certains cas une limitation de mandats presidentiels. C'est le cas en Republique Centrafricaine et notre espoir est que les relations avec le gouvernement centrafricain certaines actions auraient pu faire croire que la France soutiendrait les opposants au pouvoir de Patasse, meme de maniere tacite. Mais il ne s'agit pas, a mon avis, d'un element crucial dans le reglement du probleme centrafricain. Je crois en tant qu’Africain que nous ne devons pas toujours rejeter la responsabilite de nos problemes sur les autres. Effectivement, on ne peut pas nier qu’il y a une histoire que certaines suspicions se justifient, mais je crois que nos leaders politiques doivent d’abord rechercher dans leur gestion les causes des problemes que connaissent les pays africains, ca pourra nous amener a resoudre plus facilement nos problemes.

Relativement a l’affaire Bakassi comment jugez-vous l’attitude du Nigeria depuis le prononce du verdict jusqu'a la reunion de la commission mixte des 1 et 2 decembre derniers?

La question de Bakassi est tres importante. J’ai eu l’avantage quand j’etais jeune etudiant de visiter la region jusqu'a Calabar, a la faveur d’un voyage d’etudes. J’ai suivi la politique des dirigeants nigerians et je continue a preter attention a ce qui s’y passe. Je suis content de voir qu’aujourd’hui les deux chefs d’Etat avec le concours des Nations –Unies ont decide de regler le differend a l’amiable. Aucun Camerounais n’a ete surpris par le jugement de la Cour. Quant a moi, j’ai toujours ete convaincu que Bakassi etait un territoire camerounais. Mais il y a des aspects de notre politique de developpement qui doivent preparer une meilleure gestion du dossier Bakassi a l’avenir. La position du Nigeria doit se justifier par des raisons de politiques internes, le Nigeria etant a la veille d’elections presidentielles. Le president nigerian se trouve donc en mauvaise posture et ne voudrait pas se porter un coup mortel a la gestion interne des affaires de son pays. Je suis quand meme convaincu de ce que la resolution de ce conflit se fera de maniere paisible et heureuse. L’un des elements qui m’a le plus rassure c’est le fait que de voir Kofi Annan, Obasandjo et Biya se rencontrer a Geneve et designer tous ensemble un troisieme africain comme president de la commission mixte chargee de mettre en ?uvre l’arret. Je me dis que les Africains comprennent de mieux en mieux que nous n’avons pas besoin d’un nouveau conflit sur le continent et que nous sommes capables en dialoguant de resoudre nos differends.

La multiplication des commissions ne favorise –t-elle pas le dilatoire auquel le Nigeria semble vouloir se livrer?

On ne peut pas negocier avec un pays comme le Nigeria avec les yeux fermes, il faut toujours etre sur ses gardes. Et il ne faudrait pas oublier l’element que j’ai invoque tout a l’heure; il serait difficile d’obtenir d’Obasanjo qu’il cede totalement Bakassi avant le scrutin presidentiel de fevrier de 2003. Comme Camerounais, je ne souhaiterais meme pas que cela se produise, car cela pourrait causer une reaction interne brutale, susceptible de remettre en cause la decision de la Cour. L'acceptation par le president Obasanjo du verdict de la Cour, malgre le temps necessaire a sa mise en oeuvre, est preferable a la recherche d'une application rapide qui presente le risque de provoquer des reactions difficilement maitrisables. N’oublions pas qu’en 1970, le Nigeria dirige par Murtallah Mohammed dont Obasandjo etait un fidele lieutenant estimait que sa frontiere s’arretait au pont du Moungo. N’oublions pas egalement que l’armee nigeriane n’a pas encore digeree le fait qu’elle a ete ecartee du pouvoir et que le Nigeria, pendant les elections connait toujours des troubles. Tous ces elements, mis en commun, peuvent causer prejudices a l’application de l’arret.

Concretement le Cameroun ne peut-il pas imposer un delai au Nigeria ?

Je ne suis pas en train de dire que nous sommes en position de faiblesse. Nous avons l’arret en notre faveur, mais nous devons prendre en consideration la realite du terrain et mettre en ?uvre la diplomatie, la pression, l'information de l’opinion internationale pour atteindre notre but. Cela sans s’attendre a des resultats immediats dans les mois qui suivent.

Il faudra donc s’armer de patience?

Il faudra de la patience mais aussi de l’action. Parce que dans le passe beaucoup de personnes nous ont reproche l’attentisme de notre diplomatie, son absence sur la scene internationale, le manque d’information des publics aussi bien au Cameroun qu’a l’etranger sur les enjeux de la question et la preference pour une attitude defensive. Maintenant que nous avons l’arret de notre cote, il est temps de faire respecter nos droits et de penser dans le futur a developper la zone concernee, pour eviter que ce scenario ne se reproduise. Peut –etre que les commissions mixtes qui fonctionnaient bien sous Ahidjo avaient permis d’empecher que la crise ne puisse atteindre les degres d’avant l’arret. Leur restauration pourrait permettre aux responsables des deux cotes que leur interet se trouve plutot dans une cohabitation pacifique.

Revenons au NDI pour connaitre les projets de l'organisation pour l'Afrique ?

En ce moment nous faisons un bilan du processus de democratisation en Afrique, en relevant qu'il y a eu des experiences satisfaisantes: le Senegal, le Benin, le Mali , le Ghana ou l’Afrique du Sud. Mais il y a eu des echecs et des obstacles comme en Angola au Liberia, en Cote d’ivoire. Et qu’il y a encore du travail a faire en terme de formation des hommes politiques, de systeme electoral, de formation des elus et dans le domaine des rapports entre civils et militaires. Nous sommes actuellement presents dans 18 pays africains dans les domaines que je viens de citer. En dehors de ces 18 pays nous entreprenons des actions ailleurs en Afrique en collaboration avec des democrates de ces pays la qui viennent des parties ou de la societe civile

Quelle est votre opinion sur les premiers pas de l’union Africaine, ainsi que son attitude a l’egard du nouveau pouvoir malgache que certains jugent intransigeants?

Je crois qu’il est un peu tot pour juger l’Union africaine mais on peut tout de meme pronostiquer que si dans les deux ou trois ans l’Union ne parvient pas a s’affirmer, elle va perdre la confiance des Africains, car ils ne pourront pas etre aussi indulgents qu’avec l’Oua. Parce que le monde est en train de changer assez rapidement et la jeune generation exige des actions concretes des dirigeants africains. J’ai ete aussi critique vis a vis de l’attitude de l’U.A a l’egard du pouvoir de Marc Ravalomanana. J’ai trouve incongru que les presidents Arap Moi, Mugabe, Sassou Guesso se reunissent dans une salle et decident qu’ils ne pouvaient admettre le president malgache parce qu’il aurait ete mal elu. Alors que ceux la sont reputes a travers le continent pour les mauvaises elections qu’ils ont organisees dans leur pays. Aussi, j’espere que dans les mois a venir et surtout apres les elections, l’Union africaine reviendra sur sa decision. Parce que une fois en Afrique, nous avons vu plus de 500 000 citoyens sortir dans les rues pour demander le depart d'un president qui se maintenait au pouvoir apres avoir perdu les elections. Et au lieu que cela soit encourage parce que cela s'est d'abord deroule dans un esprit pacifique, on a eu l'impression que l'Union africaine tergiversait afin de soutenir le president en exercice.Ce serait dommage que l’union africaine se transforme en syndicat de chefs d’Etat, reproche que l’on faisait deja l’Oua. Donc si dans deux a trois annees, avenir l’UA ne prend pas des decisions coherentes et positives, elle risque de perdre toute legitimite aux yeux des Africains et de l’opinion internationale.

Quelle estimation faites vous des chances de reussite du Nepad?

Je crois qu’il faut distinguer le Nepad de l’Union africaine, et jusqu’ a present meme les chefs d’Etat qui en sont les promoteurs hesitent a faire du Nepad un organe permanent de l’UA. C’est d’ailleurs pour cette raison que le siege du Nepad se trouve d’ailleurs a Johannesburg. Meme si, au final, le Nepad est destine a interesser tous les pays africains il est appele a fonctionner independamment de l’UA. J’ai foi en la reussite de ce plan parce qu’il y a des objectifs bien definis et que la bonne gouvernance y semble tenir une place. Si l’application des programmes est respectee, il y a de fortes chances qu’il produise des resultats palpables. Mais s’il est phagocyte par la bureaucratie et des initiatives qui n’existent que sur le papier, il y a de fortes chances que le Nepad connaisse le meme sort que le plan de Lagos et d’autres actions du meme type.

Comment jugez-vous l’Afrique a l’horizon 2025?

Avec les crises actuelles certains pourraient etre gagnes par le pessimisme et penser que l’Afrique ne s’en sortira pas. Mais si l’on se place au debut des annees 1960, on se souvient que beaucoup ne croyaient pas en la possibilite d’une decolonisation. En 1990, l’apartheid a bien pu etre aboli et la Namibie a retrouve son independance. Toujours au debut des annees 1990, un prisonnier de longue date est sorti de prison pour devenir president de la Republique: Nelson Mandela. Je suis sur que dans quelques annees en regardant le chemin parcouru on se demandera comment l'Afrique a pu se sortir de toutes ces crises. Je suis convaincu de ce que l'Afrique va s'en sortir, ce d'autant plus que les femmes africaines souhaitent voir le continent rejoindre les autres nations sur les plans du developpement economique et politique. Certes il y a des difficultes: mais a force de determination et de travail ce continent de 700 millions d’habitants pourra effectivement demarrer et retrouver sa place.

Avec des Etats democratiques?

Ce ne pourra etre qu’avec des Etats democratiques parce que nous avons vu ce que les regimes de dictature ont fait en Afrique durant les trente dernieres annees. La democratie nous permet de mettre en place des institutions qui garantissent une certaine transparence dans la gestion des ressources et des hommes, des institutions qui empechent la commission des abus. Je suis convaincu que ce n’est que par cette voie que nous pourrons nous en sortir. Vous savez, comme le disait Churchill, la democratie est le pire des systemes des politiques, mais il est le moins pire de tous.

Ne trouvez –vous pas paradoxal le fait que les Etats-Unis bombardent l’Irak alors meme que des inspecteurs de l’Onu se chargent de verifier sur le terrain le desarmement du regime de Saddam Hussein?

Vous faites allusion aux bombardements effectues dans les zones d’exclusion aerienne. Certains peuvent trouver cela paradoxal mais je crois savoir qu’il s’agit d’operations conformes aux resolutions des Nations -Unies. Il aurait ete souhaitable que cela se fasse apres une decision du Conseil de securite. Alors cela ne me semble pas paradoxal. Tout de meme je suis un peu surpris de ce que la question des armes chimiques ici en cause ait pu etre transformee en querelle de personne ou de confrontation bilaterale: Irak/Etats-Unis; alors qu’il s’agit d’un probleme qui interpelle tous les pays representes aux Nations-Unies.

Bush n’est-il pas en train de tirer benefice du 11 septembre en prevision des elections presidentielles?

Deux ans avant les elections de 2004 ce serait tres tot pour le dire. Parce que lors de la premiere guerre du Golfe, Bush pere etait au zenith dans les sondages, plus de 90% d’opinion favorable. Cependant il a perdu les presidentielles de 19922 face a Bill Clinton gouverneur d’un petit Etat. La reelection de Bush n’est donc pas encore assure. Un homme politique ne choisit pas ses crises. Toutefois, c’est face aux difficultes que les electeurs le jugeront. C’est certainement le fruit du hasard qui fait coincider ses problemes et comme diraient certains a quelque chose malheur est bon.

Votre opinion n’est-elle pas influencee par le fait que le Ndi est une structure mise en place par le parti democrate?

Non pas du tout. D'abord parce que nous sommes finances par le Congres et, ensuite, notre activite est detournee de la vie politique nationale. Donc je donne la une opinion personnelle en tant que observateur averti de la scene politique americaine et en tant que professeur d'universite aux Etats Unis.

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Chris Fomunyoh, Ph.D.
Senior Associate for Africa
National Democratic Institute for International Affairs (NDI)
Washington, D.C

 

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