John Kufuor n'a pas modifié la constitution pour s'éterniser au pouvoir
AfricaLog Interview
Janvier 5, 2009
M. John Atta Mills du Congrès National Démocratique (NDC), est le vainqueur de l’élection présidentielle au Ghana. C’est la deuxième fois consécutive que le Ghana, jadis réputé pour les coups d’Etat, va connaitre le transfer pacifique du pouvoir d’une administration à une autre.
Dr. Chris Fomunyoh, spécialiste des questions africaines au National Democratic Institute (NDI) à Washington, a observé le déroulement du scrutin au Ghana. En exclusivité pour AfricaLog.
AfricaLog: Quelle conclusion tirez vous de l’élection présidentielle au Ghana ?
Dr. Chris Fomunyoh: Le processus électorale au Ghana a été un grand succès. Les partis politiques ont participé de manière très positive. La société civile s’est mobilisée pour observer les élections et les ghanéens ont accepté le travail fait par la commission électorale indépendante. En tant qu’africain je suis très fier de ce succès du Ghana et j’espère que les autres pays africains sauront tirer les leçons qui pourront être utiles.
AfricaLog: A qui attribuez vous le succès démocratique au Ghana, un pays jadis réputé pour les coups d’Etat?
Dr. Chris Fomunyoh: Je crois que c’est la volonté politique. Les ghanéens se sont dits qu’ils ont traversé des moments difficiles et qu’il n’était plus question que leur pays revienne en arrière. Il ya aussi la sagesse du président sortant John Kufuor qui n’a pas modifié la constitution pour s’éterniser au pouvoir comme certains chefs d’Etats africains l’ont fait. Il a pu respecter la constitution et en le faisant, il a déblayé le terrain pour que le jeu politique se fasse dans les conditions les plus équitables possibles. Je crois que cela a beaucoup contribué au succès des élections au Ghana.
AfricaLog: Alors que le Ghana consolide la democratie, en Guinée c'est un groupe de militaire qui saisit le pouvoir suite à la mort du président Conté. Que pensez vous?
Dr. Chris Fomunyoh: Les régimes militaires sont une incongruité dans un contexte global qu'on se veut plus ouvert et plus démocratique. Donc chaque avènement des militaires sur la scène politique comme ce qui vient de se passer en Guinée constitue un recul pour la démocratie. Sur le plan historique, on se souviendra qu'après l'indépendence du Ghana en 1957, la Guinée a suivi en 1958. J'épère que les militaires s'en souviennent au point de faciliter l'émergence d'un gouvernement civil et démocratiquement élu, et cela dans les plus brefs délais.
AfricaLog: En dépit des menaces de suspension, des sanctions contre le pays par la communauté internationale, les Guinéens sont d'accord avec le coup. Pourquoi, à votre avis?
Dr. Chris Fomunyoh: Parce que les Guinéens ont été suffissament traumatisés ces dernières années par le régime du défunt Général Lansana Conté. Et jusque là, le fait de se résigner au fait accompli des militaires ne voudrait pas dire que les Guinéens accepteraient d' être gouvernés encore par les militaires. De grâce, ce peuple qui aspire à la démocratie a trop souffert ; qu'on leur permette enfin de choisir leurs leaders par des élections libres et transparentes. La faute donc ne revient pas aux populations guinéennes qui subissent, mais à ceux des élites politiques qui ont soutenu l'ancien régime dans ses actions anti-démocratiques qui, au fils des années, ont fini par fragiliser les partis politiques, la société civile, les syndicats. Aujourd'hui, c'est le pays entier qui paie le prix par un régime d'exception! J'éspère que les autres autocrates africains en tiendront compte parce que les régimes du genre Lansana Conté existent encore dans certains de nos pays.
AfricaLog: Le calendrier de deux ans proposé par la junte pour le retour à l'ordre constitutionnel n'est-il pas acceptable?
Dr. Chris Fomunyoh: Les militaires qui oeuvrent pour l'instauration d'un gouvernement démocratique n'ont jamais attendu deux ans pour organiser des élections crédibles. Posez la question au Président Amadou Toumani Touré du Mali, ou au Général Abubakar Abdulsalami, ancien chef d'Etat Nigerian qui a réussi une transition crédible dans ce pays de 140 millions d'habitants en moins d'un an. La Guinée se préparait déjà à tenir des élections législatives en mars 2009. Il n'ya pas de raison que les présidentielles, qui sont encore plus faciles à organiser que les législatives, ne se tiennent pas à la date prévue. Il n'ya rien que les militaires vont faire dans deux ans qu'un gouvernement légitime ne ferait pas.
AfricaLog: Quel appel lancez vous aux leaders africains qui continuent de modifier leurs constitutions pour demeurer au pouvoir?
Dr. Chris Fomunyoh: L’année 2009 est une année au cours de laquelle nous avons une vingtaine de pays africains qui iront aux élections. L’appel que je lance donc est un appel pour un attachement réel aux valeurs démocratiques qui permettent aux pays africains d’élire leurs leaders et de vivrent dans la paix et dans la prospérité. Il est inacceptable aujourd’hui que des individus continuent de modifier les constitutions de leurs pays pour servir leurs propres intérêts au détriment du bien être de leurs populations.
AfricaLog: Que faire du Zimbabwé de Robert Mugabe?
Dr. Chris Fomunyoh: Je ne vois plus Mugabe faire partie d’une solution durable au Zimbabwé. Je n’envisage pas un avenir pour le Zimbabwé tant qu’il serait au pouvoir. Il ya des leçons à tirer. Voilà un africain qui est arrivé au pouvoir comme un libérateur mais qui aujourd’hui pose un danger permanent pour des millions de zimbabwéens. Un tiers de la population du pays se trouve réfugié en Afrique du Sud pendant qu’un autre grand pourcentage se retrouve dans le pays exposé au drame du choléra et autres maladies.
AfricaLog: Les Etats-Unis veulent que l’Afrique du Sud exerce des pressions sur le Zimbabwé de manière à renverser le régime de Mugabe, ce que l’Afrique du Sud refuse de faire...
Dr. Chris Fomunyoh: C’est difficile à expliquer. C’est peut être une question de relation personnelle d’une génération qui a vécue d’une certaine manière et qui n’est pas très ouverte aux suggestions faites par des personnes en dehors du continent africain. Cela dit, je crois aussi qu’il faut écouter le peuple zimbabwéen, les acteurs politiques et les acteurs de la société civile qui vivent dans le pays. Je ne pense pas que la solution viendra uniquement de l’extérieur.
AfricaLog: Comptez-vous jouer un rôle politique au Cameroun, votre pays natal?
Dr. Chris Fomunyoh: Pour l’instant je me concentre sur le processus de démocratisation du continent. Je reviens juste du Ghana. Il ya quelques mois j’étais au Nigeria, et récemment en Afrique du Sud pour des questions concernant le Zimbabwé. Ma priorité, c’est voir dans quelle mesure je peux apporter ma modeste contribution au processus de démocratisation de notre continent, pour que l’Afrique soit gouvernée autrement. Je crois qu' il est important pour des gens comme moi qui avons eu la chance d’évoluer ailleurs, de tout faire pour apporter une contribution au développement de notre continent. - AfricaLog
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