Christopher Fomunyoh :"Le Cameroun d'aujourd'hui nous interpelle tous."
QuotidienMutations, Yaoundé – Cameroun
Mars 24, 2008
Entretien mené par Alain B. Batongué
Christopher Fomunyoh :" Le Cameroun d'aujourd'hui nous interpelle tous."
[Yaoundé - Cameroun] - 24-03-2008 (Alain B. Batongue)
Toujours entrain de parcourir le monde, c'est à Bamako, capitale du Mali, que Christopher Fomunyoh, le responsable Afrique du National democratic Institute (Ndi), a été informé des remous socio-politique que le Cameroun a vécus à la fin du mois de février dernier. Pour ce Camerounais resté éternellement "home seek", incapable de passer six heures sans prendre des nouvelles du pays, quelque soit l'endroit du monde où il se trouve, et qui s'émeut à la première déclaration d'un officiel souvent peu en rapport avec les préoccupations de ses concitoyens, la nouvelle était suffisamment grave pour bouleverser totalement son rendement pendant cette mission pourtant importante pour l'avenir des politiques des Etats africains.
Pour ce Camerounais resté éternellement "home seek", incapable de passer six heures sans prendre des nouvelles du pays, quelque soit l'endroit du monde où il se trouve, et qui s'émeut à la première déclaration d'un officiel souvent peu en rapport avec les préoccupations de ses concitoyens, la nouvelle était suffisamment grave pour bouleverser totalement son rendement pendant cette mission pourtant importante pour l'avenir des politiques des Etats africains.
Christopher Fomunyoh a cependant refusé d'accéder à notre demande d'interview pour réagir à chaud à cette actualité à la fois brûlante et dramatique. " Pouvons nous en reparler dans quelques semaines ? La situation est tellement sérieuse que je ne souhaite pas dire certaines choses dans la précipitation ou l'émotion, et que certaines personnes interprètent mal mes propos".
Un mois presque jour pour jour après le déclenchement de la grève des transporteurs qui a dégénéré en émeutes populaires, Christopher Fomunyoh livre sa propre analyse des faits et des connexions supposées entre la mal-vie des Camerounais et le grand malentendu politique au sujet du projet de révision de notre loi fondamentale. Il apprécie également les premières mesures prises par le président Biya pour répondre au mécontentement des populations et attire l'attention aussi bien des dirigeants que de l'opinion publique sur les risques de marginalisation internationale de notre pays s'il persiste à faire prospérer, sans grande concertation préalable, de tels projets. Sur la marche du Cameroun, il estime avoir toujours eu son mot à dire, et ce n'est pas maintenant que le pays est à la croisée des chemins qu'il va se débiner.
On ne vous a pas beaucoup entendu ces derniers temps, malgré la situation socio-politique assez particulière au Cameroun: simple indifférence ou calcul politique?
Il est vrai que les événements de février dernier se sont produits pendant que je me trouvais en mission sur le continent, ce qui ne m'a pas permis d'apporter immédiatement ma voix aux appels de calme comme il se doit. Je saisis donc cette occasion en premier lieu pour transmettre mes condoléances les plus attristées aux familles endeuillées. Ma dernière sortie médiatique sur un dossier africain portait sur le Kenya pendant les émeutes de janvier, sans savoir que mon propre pays allait m'interpeller aussitôt après, bien que dans des circonstances un peu moins dramatiques. Mais vous vous souvenez que lors de notre dernier entretien en 2007 sur les agitations de certains députés RDPC et du G11, je disais déjà que le Cameroun n'avait pas besoin d'une psychose en plus, et qu'il ne fallait pas que le Cameroun bascule dans la violence. Or, aujourd'hui mes appréhensions demeurent maintenant que les événements de février sont venus s'ajouter à un contexte social très difficile surtout pour notre jeunesse et le citoyen de base moyen.
Une grève des transporteurs vers la fin du mois de février a dégénéré en émeutes populaires dans certains villes du pays avec, selon des sources, entre 40 et une centaine de morts. Comment réagissez-vous?
Je déplore la perte en vies humaines, et il faut condamner la violence d'ou qu'elle vienne. J'ai souvent dit que dans notre pays, chaque perte en vie humaine liée à la question des libertés fondamentales des concitoyens est une perte de trop. Et je me souviens que même au plus fort de la période difficile des années 1990s, on n'avait pas enregistré autant de morts. Donc il y a raison de marquer un temps d'arrêt et d'engager une réflexion profonde sur l'avenir de notre pays et le Cameroun qu'on voudrait léguer aux générations futures. Bien que j'ai été surpris par l'embrasement rapide d'une partie du territoire national et l'ampleur de dégâts matériels sans parler des pertes en vies humaines, il faut avouer que la misère et le mécontentement du bas peuple est palpable dans notre pays. Et je le constate à chaque passage. Il y a quatre ans, j'avais visité neuf des 10 provinces de notre pays pour me faire une idée des conditions réelles dans lesquelles vivent nos populations, indépendamment des motions des élites et des débats des intellectuels, et je vous assure que je suis rentré à Washington avec le sentiment qu'il nous reste beaucoup à faire pour permettre à la grande majorité des Camerounais d'avoir le minimum d'une vie décente et d'un avenir prometteur.
Le Président Paul Biya, au 3e jour de grève, a fait un discours plutôt musclé, voyant dans ces manifestations un complot politique et condamnant des "apprentis sorciers". L'avez-vous suivi, ce discours et comment l'avez vous trouvé?
Je me trouvais à Bamako au Mali, pour une réunion ministérielle de la CEDEAO sur la sécurité et la prévention des conflits le soir du discours du Président Biya, et j'ai donc suivi l'intégralité de son discours à la télévision. Au départ, j'étais surpris par le ton et les affirmations du Président Biya par rapport aux informations qui provenaient du pays par l'entremise de la presse nationale et internationale. Avec le temps, et au vu de certaines attitudes depuis lors, je me rends compte que peut être le Président Biya avait raison de parler des "apprentis-sorciers" parce qu'il en voit beaucoup qui gravitent autour de sa personne. Je pense à toutes ces personnalités et ministres de la République dont les déclarations risquent de polariser davantage le climat politique alors que, par le passé, les mêmes individus faisaient croire à Biya que les populations Camerounaises vivaient dans une béatitude totale. Je pense à ces individus dont les noms apparaissent sur les listes des suspects pour détournements et qui par leur arrogance et leur comportement au quotidien poussent les populations à la révolte. Je pense à ces acteurs politiques de mauvaise réputation et dont la présence aux affaires fait penser aux jeunes qu'ils n'ont aucun avenir dans notre République et que le mérite n'y compte pas tellement. Mais dans ces conditions, comment crier la surprise lorsque les jeunes désœuvrés optent pour la rue, même s'il faut déplorer toute la violence qui en a suivi.
Dans l'environnement du Cameroun actuel, deux thèses s'affrontent : celle du complot politique et celle des manifestations spontanées…
Comme beaucoup d'observateurs, et sans avoir accès aux éléments du dossier, j'y voyais une manifestation de mécontentement d'une frange de notre population pour les raisons sociales, même si depuis le discours de fin d'année du Président Biya, des incertitudes semblaient se développer au sien du public concernant le calendrier politique d'ici 2011 et son impact sur les conditions de vie des citoyens. J'ai aussi eu l'impression qu'il s'agissait des frustrations que le bas peuple a cumulées pendant longtemps et qui subitement ont fait surface au moment où certains ne s'y attendaient pas. Mais si jamais il y avait complot politique, il serait opportun que le peuple en soit aussi informé et avec toutes les justifications possibles pour permettre à chacun de mieux s'en tenir. Déjà que depuis la fin de l'année 2007, des dossiers importants attendent d'être élucidés devant l'opinion nationale et internationale, comme les arrestations de certains officiers et autres éléments de nos forces armées début novembre, les tueries de 21 de nos compatriotes militaires à Bakassi, et les fuites sur les enquêtes pour détournement qui concerneraient plusieurs hautes personnalités de la république et membres du gouvernement. Et on ne peut pas se permettre de cumuler ces points d'ombre sans laisser l'impression auprès des populations mais aussi auprès des partenaires au développement et des investisseurs que dans le Cameroun actuel la stabilité n'est pas présente, ou que la légitimité des institutions est en danger.
Le Sdf semble désormais pointé du doigt comme principal instigateur de ces troubles sociaux. C'est une thèse que vous partagez?
Je ne connais pas le fonctionnement interne du SDF, et je n'ai pas accès aux informations qui ont permis à certains de faire ces accusations. Mais je me demande d'ou viendrait cette capacité de mobilisation à grande échelle quelques mois seulement après que ce parti ait perdu les plumes lors des législatives de 2007. Les accusations sont assez graves, et il faudra éclairer davantage l'opinion nationale et internationale pour éviter tout amalgame et pour ne pas donner l'impression de vouloir trouver un bouc émissaire. Curieusement aussi, voila que les Camerounais et surtout les jeunes qui ont manifesté leur mécontentement sont en train de prendre connaissance des mesures prises par le Président Biya le 7 Mars et qui paraissaient être en réponse à une partie de leurs revendications ; c'est en ce moment que certains veulent faire croire que ces jeunes ne pouvaient pas se plaindre sans avoir été manipulé par des hommes politiques. Or, ce serait insulter d'avantage leur intelligence en remuant le couteau dans une plaie à peine guérie. Il y a tellement de déclarations depuis les émeutes que pour la version officielle des investigations, je me fie uniquement aux déclarations du président de la république ou du ministre, porte parole du gouvernement.
Près de 2000 jeunes ont été arrêtés et jugés au terme de procès expéditifs…
D'après mes informations, ce n'est pas tout le monde qui a été déjà jugé. Je crois comprendre que les avocats du barreau Camerounais se battent pour que les droits de chacun soient respectés et les procédures suivies. Personnellement, je trouve que la question de jeunes gens arrêtés pendant (et pour certains après) les émeutes est plus complexe qu'un simple cas de flagrant délit. J'ose espérer que la problématique sera traitée dans sa dimension globale et non seulement sous le prisme purement juridique. Nous nous trouvons dans un cas où beaucoup de ces jeunes sont diplômés et chômeurs, donc déjà assez marginalisés en dépit des études secondaires et même universitaires pour certains et aux frais de leurs parents qui continuent d'ailleurs d'attendre des emplois qui n'arriveront pas d'ici peu. Les jeter en prison aujourd'hui voudrait simplement dire que dans deux à cinq ans, ils vont sortir de là encore jeunes, toujours au chômage et avec un casier judicaire et donc sans aucun avenir. Quand je suis arrivé aux Etats-Unis d'Amérique, Barack Obama n'avait pas encore 30 ans. Aujourd'hui il aspire à être président de la plus grande puissance au monde. Ceux que j'ai laissés au Cameroun au moment de mon départ sont toujours sans emploi fixe ou bien ont des carrières avec avenir incertain. Vivement que dans les leçons qu'on tirera des événements de février 2008, sonne le réveil pour la définition d'une nouvelle politique pour notre jeunesse.
L'un des éléments du malaise était la cherté de la vie. Le Président Biya a tout de même réagi, à l'issue d'un conseil de ministres, en augmentant le salaire des fonctionnaires de 15% et en demandant la diminution du prix de certains produits de première nécessité. C'est une manière de dire "je vous ai compris"?
Ce sont des mesures de première nécessité à saluer effectivement, mais je crois aussi que les Camerounais attendent les mesures d'accompagnement à moyen et à long terme. Par exemple, dans le secteur public, il est difficile d'expliquer aux jeunes qui sont nés dans les années 1960, et 1970, pourquoi ils sont au chômage ou pourquoi leurs carrières n'avancent pas comme il se doit alors que les parents et grand parents qui travaillaient déjà dans l'administration depuis ces années là refusent de prendre leur retraite bien méritée. Il faudra donc définir une nouvelle politique d'emploi, et aussi introduire les mesures d'incitation en faveur du secteur privé car l'Etat ne pourra pas absorber tout le monde. L'Etat devrait réfléchir sur un recours à la politique fiscale pour faire fructifier davantage le partenariat entre les entrepreneurs locaux et l'administration. Pouvons-nous créer un nouveau cadre pour valoriser les industries de transformation au pays au lieu d'exporter toute la matière grise que nous produisons? Voila quelques suggestions qui pourront être utiles, mais qui demandent en même temps un changement de mentalité auprès d'une administration dans laquelle certains fonctionnaires peinent à s'adapter au rôle de facilitateur. Par exemple, combien de journalistes et de techniciens d'Equinoxe ou de Magic FM sont au chômage en ce moment à cause de la pose de scellés sur ces entreprises aussi petites soient-elles? Il n'y a pas de sots métiers pour celui qui doit nourrir toute une famille et vous savez comme moi comment ca se passe dans nos familles africaines.
Pensez-vous que, en dehors de quelques officiers supérieurs de la gendarmerie sanctionnés, toutes les leçons ont été tirées de cette affaire et toutes les défaillances sanctionnées?
Apparemment il y a beaucoup de commentaires au sujet des affectations dans la gendarmerie depuis les émeutes, mais il y va des prérogatives et de la discrétion du chef suprême des armées. Seulement, il serait intéressant de suivre comment le nouveau chef de la 2e région de gendarmerie qui est un Colonel, va gérer ses relations avec les quatre autres Colonels qui sont commandants de légions du Littoral, de l'Ouest, du Nord ouest et du Sud Ouest. Sur un aspect plus large, vous imaginez combien je suis peiné d'observer l'ambiance de bonhomie et de civilité pendant les marches dans certains pays africains y compris dans un pays comme le Burkina Faso lorsque ces marches sont bien canalisées par les services de sécurité, alors que chez nous, la tension y est toujours vive et il y a toujours casse, sinon perte en vie humaine. L'image de notre pays en prend des coups énormes sur le plan international aussi.
L'autre préoccupation des Camerounais qui sont sortis dans les rues était liée au projet du président de la République de réviser la constitution de 1996, notamment l'article 6 alinéa 2 sur le nombre de mandats du président de la République. Quel est votre commentaire, au moment où l'assemblée nationale vient d'ouvrir les travaux de la session parlementaire de mars?
Certes il s'agit d'une question de souveraineté pour chaque peuple et pour chaque Etat, mais la Constitution c'est quand même la loi suprême du pays et dont les fondements dépassent toute considération égoïste et partisane. Sur ce, les modifications allant dans le sens d'élargir d'avantage les espaces de libertés et de participation citoyenne sont à saluer, mais la modification de l'article 6.2 visant à consolider le pouvoir d'un individu ou d'un groupe politique par rapport à d'autres constitue un conflit d'intérêt indéniable et sèment inutilement les germes de personnalisation excessive du pouvoir et l'instabilité politique. Quel message va-t-on transmettre aux investisseurs étrangers si on traite la loi fondamentale de notre pays de cette manière? Et combien de fois le code d'investissements, combien de fois le code de procédure pénale et d'autres lois pourraient-ils être modifiés pour satisfaire au sentiment du moment? De là à ce qu'on nous considère comme une république bananière, il n'y a qu'un pas que certains franchiront facilement si on ne prend pas garde. Je refuse d'admettre que le Cameroun est à ce point. Et je souhaite fortement qu'on prenne le temps nécessaire de réfléchir mûrement sur l'intérêt national et d'entourer tout débat sur la loi fondamentale de notre pays avec toute la sérénité et toute la solennité requise. De mon point de vue, ses éléments ne sont nullement réunis au jour d'aujourd'hui.
Mais on cite beaucoup de pays qui n'ont pas de limitation de mandat.
J'entends beaucoup de ces argumentations. J'ai même lu dans Cameroon Tribune de la semaine dernière (le 14 mars) un membre du gouvernement dire que la constitution peut se modifier par décret -- une erreur simple ou un état d'esprit au sein de l'exécutif, je n'en sais rien. Certains essayent de démontrer que la démocratie Camerounaise n'a rien à envier aux pays occidentaux, et tant mieux. Mais regardons quand même en Afrique les pays prospères et paisibles comme le Ghana, le Benin, le Botswana, l'Afrique du Sud, l'Ile Maurice, etc. Et je défie qui que ce soit de me citer un seul de ces pays démocratiques en Afrique dirigé par un chef d'Etat qui aurait fait plus de 15 ans au pouvoir. Par ailleurs la nouvelle charte africaine de la démocratie et de la gouvernance, adoptée en janvier 2007 par la conférence des chefs d'état de l'Union Africaine dans son article 23 (5), considère comme anticonstitutionnel tout amendement ou toute révision des constitutions qui porte atteinte aux principes de l'alternance démocratique. Pourquoi voudrait-on se faire un état paria même au sein de l'Union Africaine? Ne parlons pas des démocraties européennes ou américaines dont certains élus ou politistes se précipitent pour nous affirmer que leurs dirigeants ne sont pas aussi démocratiques que les nôtres!
Pensez-vous qu'il soit opportun d'introduire ce projet au cours de cette session, au lendemain des émeutes?
Mais non, le contexte actuel ne s'y prête pas, en dépit de l'argumentaire allant dans le sens inverse. Il faut créer un climat sain et serein pour une vraie relecture de notre constitution si c'est cela la priorité. On ne peut pas, dans le contexte actuel, avec toutes les instances que nous avons abordé plus haut, avec toutes les querelles entre partis politiques et les organisations de la société civile, avec plein de dissensions avec les syndicats et les medias privé. On ne peut pas subitement sauter sur les 40 morts, ne pas clarifier le sort des officiers arrêtés en 2007 ou des militaires tués à Bakassi, pour adopter une attitude comme quoi on fonce et on explique après. Pour le bien être de notre pays à nous tous, on ne devrait pas se précipiter pour ajouter à ces dossiers pendants, une modification controversée de notre loi fondamentale. Si au plus fort de la contestation sociopolitique des années 1994 / 96 les gens ont pu s'asseoir pour développer un consensus sur le cadre constitutionnel pour notre république, qu'est ce qui empêcherait une démarche similaire au jour d'aujourd'hui si jamais des amendements étaient nécessaires? Les priorités que le Président Biya avait évoquées à Paris lors de son interview sur France 24 demeurent et sont encore plus criantes aujourd'hui qu'en 2007. On devrait alors prendre le temps nécessaire pour développer un consensus autour de la loi fondamentale pour que tout amendement de celle-ci vienne consolider cet acquis. Je suis conscient de ce qu'on peut toujours faire jouer la majorité mécanique à l'Assemblée, mais à quel prix pour notre pays et pour combien de temps?
Certaines sources proches du pouvoir indiquent que cette révision de la constitution doit également permettre de moderniser notre loi fondamentale: mécanismes de succession, scrutin à deux tours, vote de la diaspora, candidatures indépendantes...
Mais justement on peut toiletter ces dispositions que vous venez de citer sans toucher à l'article 6.2 qui sert de garde-fou pour notre jeune démocratie, de même que dans les démocraties anciennes. J'ose croire que personne ne veut faire du chantage aux camerounais comme quoi on ne modifiera les dispositions qui élargissent le champ de participation politique qu'à condition de permettre au titulaire actuel de se maintenir au pouvoir éternellement. Et demain, un autre leader pourra se retrouver dans cette position qui soit moins démocrate que le titulaire actuel et les populations seront obligées de subir pour toujours. Je n'ai jamais vu un tel raisonnement aboutir à un pays stable ou à une paix durable.
Pour la petite histoire, Olusegun Obasanjo avait 105 amendements à proposer aux Nigérians. Chiluba en avait un bon nombre en Zambie, comme Buluzi au Malawi et Kerekou au Benin. Les populations de ces pays ont dit non, et les pays en question ont survécus, et vont nettement mieux que sous les anciens régimes. Pour revenir sur notre cas au Cameroun, je ne vois vraiment pas comment une modification de l'article 6.2 dans le sens de défaire la limitation de mandat pourra être considérée comme une avancée de la démocratie dans notre pays. Que ceux qui s'agitent contre la limitation des mandats présidentiels regardent les pays qui prospèrent en Afrique d'aujourd'hui et comment ces pays là ont su gérer l'alternance et la limitation de mandats. Que ceux qui veulent poser des actes d'envergure nous disent comment ils comptent gérer les angoisses de 20 millions de camerounais dont la majorité ne verra plus la possibilité d'une alternance paisible et par la voie des urnes dans notre pays. Nous devons tirer les leçons de ces pays Africains et plusieurs autres pays démocratique à travers le monde, et c'est dans ce sens que le Cameroun d'aujourd'hui nous interpelle tous.
Entretien mené par Alain B. Batongué
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